Château Coupe-Roses est un domaine viticole biologique, biodynamique et nature situé à La Caunette (Hérault), en Minervois, proche de la Montagne Noire. Ce domaine familial en est à sa treizième génération de propriétaires vignerons et oléiculteurs (il y a aussi une oliveraie, où l’on a la sagesse de récolter les olives bien mûres, c’est assez précieux pour être mentionné). On aimerait bien, et l’on pourrait, remonter encore plus loin, mais « on a perdu les archives au XVIIe siècle, elles ont brûlé lors de petits problèmes avec des protestants », explique Mathias Paicheler, qui exploite le domaine avec sa sœur Sarah Frissant. Tous deux sont venus hier, mardi 3 juin 2025, présenter leurs vins au restaurant Narro, dans le Ve arrondissement de Paris.

Mathias Paicheler
Sarah et Mathias ont reçu le domaine de leur mère, qui en son temps l’avait rebaptisé. Pas à cause d’une roseraie dont on couperait les fleurs mais d’une argile violette particulière, dite « argile de Coupe-Roses », dont les veines courent dans les sols profonds de la propriété. En raison de ces gisements argileux, une tuilerie a prospéré en ces lieux pendant des siècles. Cette argile donne beaucoup de fraîcheur aux vins et protège les vignes du stress hydrique, se rechargeant en eau en hiver. Elle s’ajoute aux riches conditions minérales du lieu : 35 hectares sur plateau karstique, sols calcaires, caillouteux, schisteux, voire calcaires siliceux par endroits. Mathias et Sarah comptent réduire à 25 hectares la surface plantée tout en continuant de faire de leur domaine une oasis de biodiversité : agroforesterie, enherbement, travail du sol par les animaux, ovins et équins, et pas d’irrigation, les argiles souterraines se chargent de cet aspect.

Sarah Frissant
La biodynamie et le nature sont le choix de Mathias depuis 2013 ; 2014 pour les blancs. Sa préférence en rouge va vers les vins légers, frais, modérément extraits, même si son minervois rouge Granaxa (16 €, majorité grenache et 10 % de syrah) offre une texture dense et veloutée plus conforme à la tradition languedocienne. Les blancs se distinguent par leur droiture et leur fraîcheur sur une structure verticale solide ; Champ-du-Roy, l’entrée de gamme (9,50 €), est fruité avec notes de litchi et d’abricot, relevées en fond de palais par le musc léger d’un muscat à petit grain (20 %). Excellent vin d’apéritif, de fruits de mer et de poisson grillé, il trouve un frère plus charpenté en Argès (17 €), vin blanc de garde à base de roussanne et de grenache blanc lesté de 10 % de vermentino de macération. Pêche et poire, tension et acidité, une très lointaine note oxydative qui pimente l’ensemble.

Mathias est un passionné de philosophie (tendance spinoziste) constamment à la recherche des causes, des processus et des nuances. Son goût pour l’expérimentation le mène à cultiver sur le causse une parcelle en complantation où se côtoient près de vingt-deux cépages autochtones, « aléatoires » dit-il, taillés en gobelet : aramon, clairette blanche, picpoul blanc, picpoul noir, alicante, castets, etc. Outre la beauté esthétique de cette parcelle, qu’il aime à souligner, il explique que cette diversité de cépages « fait ressortir le sol » (on pense à Jean-Michel Deiss en Alsace, qui estime que « la bonne maturité fait disparaître le cépage et apparaître le sol »), et peut venir enrichir les plus classiques assemblages de grenache blanc, grenache gris, muscat à petit grain, roussanne, rolle, syrah, grenache, cinsault et carignan.
Karst, Granaxa, Vertige, Bara Gwin : les rouges (même Vertige, et Granaxa dont j’ai souligné plus haut la typicité languedocienne) ont en commun une droiture et une limpidité qui démentirait presque leur origine si l’on restait coincé sur le côté « bombe de fruit » de pas mal de rouges languedociens. C’est le style Coupe-Roses : des vins de courte macération qui reflètent avant tout leur terroir, dont la minéralité s’exprime de façon évidente : notes du schiste et du calcaire, une grande rectitude, un caillou qui se laisse sentir à travers le fruité, un très grand équilibre.
On garde le meilleur pour la fin avec Claret Net, un clairet du Sud né, sur plateau karstique abondamment venté, de vignes de ribayrenc, de piquepoul noir et de cinsault. Non, on n’est pas à Bordeaux, on est dans la veine de ces « nouveaux rouges » faciles à boire qui tendent vers le rosé ; des « blouges » comme les appelle Christophe Bosque du domaine De Vini. Mais ici, pas de doute, la robe ne tend pas vers le rosé, on est bien en rouge. Fermentation d’une nuit en cuve d’inox à 20 °C maximum, non filtré, ce joli vin grenadine se distingue par un fruit présent mais contrôlé, une quasi-absence de tannins, une acidité fraîche et une robe rouge clair limpide. On prévoit qu’il vieillira de façon intéressante, on l’imagine aussi avec un peu d’effervescence car il y a comme un petit accent « lambrusco » sans le sucre : l’accord avec le dessert proposé par le chef de Narro — une harmonie rhubarbe et sureau adouci d’une douce meringue — était de ceux que j’appelle médiumniques : on pouvait se dire en présence de la version dessert du vin et de la version vin du dessert.
Château Coupe-Roses, 4, rue de la Poterie, 34210 La Caunette. Tél. : +33 4 68 91 21 95. Visites du lundi au vendredi de 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h, le week-end sur réservation.
Restaurant Narro, 72, rue du Cardinal-Lemoine, Paris Ve. Tél. : +33 09 73 24 07 95.