Nous interrompons un instant notre estivation (on dit bien hibernation) pour relater un événement qui prouve que ça vaut le coup de rester à Paris en août 2024, même s’il fait trop chaud et qu’il y ait des jeux olympiques douteux (je parle de la mise en scène, des gros bobards poilus et bactériologiques, évidemment, pas de la joie légitime des équipes), ainsi que des Escherischia coli, des staphylocoques dorés en cérémonie de fermeture (personne n’a fait le rapprochement ?) et de l’ambiance carrément lourdingue imprégnant la capitale, entre ville fantôme et cauchemar éveilé. Pourtant, au sein de ce bouillon de culture, il y a des perles, des gemmes, des raisons de rester, et je vais vous en conter une.
Cela a commencé le 29 juillet à un dîner de neuf convives qui se tenait au Café des Ministères, belle table parisienne tenue par un couple remarquable et un petit chien très sage. Où, ailleurs à Paris, le chef choisit-il de présenter les œufs mayonnaise en couronne parce que nous sommes nombreux à en avoir commandé ?
Il faut dire que j’ai un peu poussé les choses en déclarant dès le début : « Je vous préviens, je veux un œuf mayo et je ne partage pas. » S’est ensuivie une réaction en chaîne qui a abouti à cette composition circulaire qui nous a laissés bouche bée, mais pas assez longtemps pour admirer cette forteresse sans l’attaquer.
En fait, nous étions venus pour un bœuf Wellington. Les jolies mains à gauche sont celles de GooGoo, et c’est d’elle que j’aimerais vous entretenir.
Lady GooGoo est une cheffe birmane établie à Bangkok. Outre un supper club qu’elle anime sur réservation, elle se produit en pop-ups et en résidences dans sa ville d’adoption et ailleurs dans le monde. Sa cuisine ? Birmane traditionnelle et « anglo-birmane », ce choix lui permettant de puiser à diverses sources d’inspiration. Et elle adore les vins nature, ce qui ne gâte rien. Merci à Aurore Nguyen, photographe culinaire et véritable puits de connaissance gourmande, d’avoir organisé ce rapprochement. J’ai ainsi pu apprendre que GooGoo préparait une résidence dans un petit restaurant-bar à vins nature du XVIIIe arrondissement, Sobremesa, rue Caulaincourt. Et le vendredi suivant, j’y étais. La preuve par l’image.
La cuisine birmane est peu connue et encore moins représentée à Paris. C’était une occasion de s’y initier. J’étais particulièrement curieuse du laphet, cette préparation classique à base de feuilles de thé fermenté que l’on mange en accompagnement ou en condiment.
Sobremesa, comme GooGoo, fonctionne uniquement en mode pop-up. Le bouche-à-oreille et les annonces sur Instagram ont fait leur œuvre, et je partagerai ce soir la terrasse avec Thai-Thanh Dang, de l’excellente glacerie La Tropicale, place d’Italie.
D’abord, un verre de pétillant naturel d’Alsace.
Le laphet est à la fois rassurant (en fait, ce n’est pas si compliqué de manger des feuilles de thé) et surprenant. Aussi beau que bon, pour commencer. Les feuilles de thé sont fermentées, réduites en pâte et épicées. Fortement épicées. On reconnaît bien la saveur du thé, son amertume, et les épices en couche superposée. Le piment est en quantité généreuse, ça arrache. C’est très rafraîchissant avec des légumes crus, comme une anchoïade. D’ailleurs, ce n’est pas sans rappeler la tapenade pour la texture et l’intensité.
Sur le conseil du patron, j’ai commandé les nouilles de haricot mung rasées à la main (taillées sur un bloc de gélatine de haricot à l’aide d’un petit ustensile à trous, comme en Chine). Servies avec du porc braisé effiloché et une pâte de chili.
Il faut les mélanger avant de les manger. C’est léger et frais.
Le dessert est très simple mais somptueux par la précision étudiée de chaque élément. Sur une crème réduite légèrement parfumée à la cardamome, une gelée de thé birman au lait. C’est carrément délicieux, mon meilleur dessert de l’été, et au prochain passage de GooGoo à Paris, j’en veux encore (je vous tiendrai au courant).
Sur Instagram : Lady GooGoo @_ladygoogoo_ – Sobremesa @sobremesaparis – La Tropicale @la_tropicale_glacier