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Pâques : faites des œufs au thé

Pâques : faites des œufs au thé Posted on 5 avril 2021Leave a comment

C’est le moment ou jamais de vous donner cette recette.

Mes œufs de Pâques à moi ne sont pas en chocolat, ils sont chinois. Leur recette est toute simple et il existe plusieurs méthodes : tous les chemins mènent à Rome, toutes les cloches le savent.

L’œuf au thé est le snack de base des ruelles chinoises. On le trouve partout, au coin des trottoirs, dans des bassines fumantes dont l’émail est depuis longtemps au-delà de tout espoir de récupération, tanné et patiné par des mois voire des années de saumure brun sombre. C’est que tout est fait, dans la recette des œufs au thé (cha ye dan), pour noircir le contenant : thé rouge (thé noir si vous préférez), sauce de soja (au fait : arrêtez d’écrire sauce soja ; oui, vous) et épices qui noircissent. Ensuite ça concocte, ça mijote, ça infuse. Même l’odeur est noire. Pas l’œuf : la coquille est brun sombre et l’œuf écalé est d’un beige uniforme. On peut se livrer à la petite coquetterie qui consiste à craqueler la coquille sur toute la surface avant de replonger les œufs dans le jus pour qu’ils prennent un bel aspect marbré. Ceux qu’on achète dans la rue ne sont jamais marbrés : ça prend du temps et ça fragilise les œufs. Mais chez vous, ne vous privez pas de ce beau motif veiné. Et si vous avez envie de servir ces œufs sur un bol de ramen, c’est le jackpot. Étonnez vos amis.

Pour commencer, vos œufs doivent être bien frais mais sans excès (les œufs durs trop frais sont difficiles à écaler). Mettez-les dans une casserole. Ajoutez deux cuillerées à soupe de thé rouge de Chine (impérativement de Chine) en feuilles entières, de préférence bien « teinturier ». Choisissez un thé du Guangdong ou du Fujian : Ying De Hong Cha, Bai Lin Gong Fu, Dancong rouge, Keemun, Jin Jun Mei, etc. Ne vous amusez pas à prendre un thé qui ne soit pas originaire de Chine, ça ne sert à rien. Pour vous ravitailler, une seule adresse.

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Cuisson des cha ye dan : comme vous le voyez, c’est sombre.

Maintenant, les épices et les condiments : poivre du Sichuan, poivre noir en grains, feuilles de laurier, un bâton de cannelle, une gousse de cao guo (grande cardamome noire), clous de girofle, éventuellement un peu d’écorce d’orange séchée, sauce de soja corsée, sauce de soja légère : vous dosez tout ça comme vous voulez, je vous fais confiance. De toute façon, tout le monde a son petit cocktail d’épices : certains ajoutent du vin de riz de Shaoxing, d’autres du gingembre, etc. Une petite pierre de sucre candi ne gâte rien, mais alors petite : une noisette. Couvrez d’eau afin que les œufs soient submergés, mais pas plus haut. Portez doucement à ébullition et laissez frémir environ dix minutes.

Sortez les œufs de leur bouillon et posez-les sur une assiette. À l’aide d’une petite cuillère, fendez la coquille sur toute la surface de l’œuf sans endommager le blanc. Replongez immédiatement les œufs dans le bouillon et là, soit vous laissez refroidir et vous consommez les œufs à température ambiante (le jus aura joué son rôle de colorant), soit vous les gardez au frais, couverts, jusqu’au lendemain.

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Cette préparation vous donnera des œufs bien marbrés, mais vous les trouverez sans doute trop cuits. En Chine, c’est comme ça qu’on les mange : le jaune bien verdâtre et poudreux comme il se doit. En général, quand on achète des œufs au thé dans la rue ou sur une aire d’autoroute, c’est qu’on a très faim, et on se fiche bien que le jaune soit poudreux ou pas. Le cha ye dan est une street food de fringale pure, ça ne se discute pas et ça ne se détaille pas. Certains artisans ont des secrets de fabrication qui leur permettent d’obtenir des œufs tendres et moelleux, mais ils ne me les ont pas communiqués.

Il existe une méthode pour obtenir des cha ye dan dont le jaune est bien jaune, élastique et non poudreux, et sans liseré vert, soit pas trop cuit : je l’ai trouvée sur l’excellent blog The Woks of Life. C’est un peu de la coquetterie, mais c’est très bien pour l’effet ramen, si c’est à ça que vous pensez. Il suffit de faire d’abord cuire vos œufs sept minutes à l’eau bouillante, puis de les craqueler très précautionneusement à la cuillère (à ce stade de cuisson, ils sont encore fragiles), et enfin de les plonger dans le bouillon au thé et aux épices très chaud. Laissez refroidir et gardez toute une nuit au frais. Ainsi vous obtiendrez à la fois l’effet marbré et le jaune pas trop cuit. Joyeuses Pâques, vous l’ai-je déjà dit ?

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