Jeudi de la semaine dernière, on admirait les cuivres, et hier vendredi, on sacrait Barbot. Voici, résumées très sommairement, les découvertes de ces deux semaines passées. Jeudi 18 novembre, la maison Mauviel présentait, à travers son partenariat avec le chef Jean Imbert, sa nouvelle gamme d’ustensiles de cuisson et de service en cuivre doublé d’acier. Ça se passait évidemment au Relais Plaza et c’était arrosé d’un Veuve Clicquot ma foi très rafraîchissant.
La fameuse fonderie-dinanderie de Villedieu-les-Poêles (Manche) inaugure une nouvelle série d’ustensiles de cuisson prévus pour passer à table et dont les lignes épurées mettent en valeur le bel éclat du cuivre patiné. Jean Imbert est l’ambassadeur de la marque. Nous avons découvert ces beaux objets en situation de travail, réceptacles de la cuisine de Jean et de sa mamie — je ne crois pas utile de rappeler l’histoire. Pour moi, cette cuisine était une totale découverte, et je ne m’étendrai pas trop dessus puisqu’il s’agit d’une première fois.
On est tous très bien élevés autour de cette table (c’est l’impression que j’en ai) et l’on n’ose pas se jeter comme des goinfres sur ces palourdes farcies qui se révèlent excellentes, éclatantes de fraîcheur, bien chargées en beurre comme il se doit et croustillantes d’une chapelure bien roussie au four. Quoique marron, le meilleur plat de ce déjeuner, haut la main. Occasion de s’extasier sur ces jolis plats de cuivre à anses d’acier et de passer en mode mal élevé quand les plats sont vides et qu’on peut saucer avec le pain (je crois que personne ne m’a suivie). C’est très agréable de saucer un beurre à l’ail et au persil dans un plat en cuivre : ça garde si bien la chaleur.
À propos de pain, celui-ci est présenté dans ces superbes petits seaux de cuivre patiné. L’inconvénient est qu’on ne peut y servir que des mini-baguettes, mais c’est un détail facile à contourner, en servant des baguettes, justement. Au risque de me répéter, la patine du cuivre est de toute beauté.
La suite : des lasagnes aux champignons (marron) qui ne brillent pas par leur légèreté, mais les mini-plats à gratin sont trop chous, on se promet de leur faire des bisous une fois qu’ils auront un peu refroidi. Mais on s’abstient, car on a déjà saucé le plat des palourdes et il faudrait peut-être cesser de se faire remarquer.
Ces poissons malheureusement trop cuits, gratin de dorade et turbot grenobloise aux blettes, apparaissent dans des plats à oreilles de laiton rectangulaires, très joli design : ovale pour le gratin et rond pour le turbot. La garniture comporte une espèce de purée de câpres marron qui force à s’interroger, là où une vraie, simple grenobloise aurait suffi (câpres, citron, beurre, croûtons). On aurait même pu, dans ce cas, faire l’économie des blettes, qui n’avaient pas grand-chose à faire ici, à part tempérer la dominante marron.
Quand la soucoupe volante du dessert atterrit devant nous, on met un peu de temps à comprendre ce que c’est. On sait au moins que c’est marron, ça ne fait aucun doute. Même en ayant compris que c’est l’île flottante annoncée au menu, on ne sait pas trop quelle conduite adopter devant cette apparition. Un examen en coupe révélera que l’île flottante est passée au rouleau compresseur : une grosse couche de meringue lestée d’un abondant zig-zag de caramel et d’un mendiant pour être sûr que l’engin ne reprendra pas son vol. Sous la meringue, on découvre une crème anglaise épaisse et grainée (comme le révèle le spécimen transféré sur assiette, ci-dessous). C’est très, très sucré, empâté par un excès de caramel, la meringue croûtée n’est pas agréable (texture tapis de yoga), et tout ce que le dessert de référence avait de léger, d’aérien et de flottant (d’où son nom) se trouve plombé par le traitement qu’ont subi les ingrédients. Néanmoins, visuellement, ça fait de l’effet, et ça met en valeur le charmant petit plat à oreilles de laiton. Sans vouloir tirer de conclusion définitive d’un seul repas servi dans des conditions spéciales, Mauviel = 1, chef = 0. Ça vaut pour ce jour, pas pour un autre. Fin du compte rendu d’une cuisine qui était ce jour-là uniformément marron. Je ne vous donne pas d’infos pratiques pour le Relais Plaza, vous savez où c’est.
Cèna et le prix Staub-Lebey
Quand j’ai appris que j’étais invitée au déjeuner de remise du prix Staub-Lebey du meilleur bistrot 2021, j’ai bondi de joie. Pour moi, le Lebey, c’est une longue histoire, je vous raconterai ça une autre fois. Et quand j’ai su que ça se passait à Cèna, la nouvelle aventure bistrot de Pascal Barbot et Christophe Rohat (en attendant la réouverture de L’Astrance en 2022), seul le plafond pouvait arrêter mes bonds d’allégresse. (Je n’exagère jamais.)
C’est la quinzième édition de ce prix organisé par le guide que dirige Pierre-Yves Chupin (à gauche sur la photo). Pascal Barbot était malheureusement absent, mais Christophe Rohat était là pour recevoir le prix.
Cèna se définit comme « un restaurant de proximité centré sur le produit », et quand on connaît Pascal Barbot, on sait que cette formule sera illustrée avec une sincérité inaltérable. L’entrée est une version déconstruite d’un plat qui a fait la renommée du chef — son millefeuille de champignons blancs au foie gras, condiment au citron. Ici, les champignons de Paris mandolinés à l’instant s’entremêlent de fines lamelles de foie gras, le tout voilé d’une vinaigrette citronnée. C’est simple, mais c’est tellement bien fait, cela exprime une telle finesse qu’on y retrouve le chef tout entier.
La légine marinée au miso, riz koshihikari, beurre blanc sauce soja est un plat fétiche du chef. Il témoigne d’une compréhension très fine des ingrédients. La marinade au miso réussit aux poissons blancs, et le riz est tout sauf un accompagnement : un élément à part entière du plat qui joue sur un plan d’égalité avec la légine. Le zeste de yuzu râpé relève et donne une fraîcheur incroyable.
Le dessert n’est pas seulement copieux, c’est aussi un tour de force. Celui de servir une tarte aux poires correcte, d’abord — c’est un exercice difficile, la douceur du fruit étant un obstacle à l’équilibre des goûts, l’ensemble apparaissant souvent fade et pâteux —, et ensuite d’en faire quelque chose de vraiment délicieux. Tant pour la pâte qui sert de base à la tarte, une sorte de sablé breton infiniment croquant et beurré, que pour les poires doucement confites qui la recouvrent et les poires fraîches en lamelles pas trop fines (pour qu’il y ait de la mâche) qui recouvrent encore le tout. C’est tellement bien foutu que la petite quenelle de sorbet poire est presque superflue. Merci Pascal de m’avoir comblée de bonheur avec une tarte aux poires, personne qui me connaît n’aurait cru cela possible.
Cèna, 23, rue Treilhard, 75008 Paris. Réservation : https://www.cena.restaurant/
Menu déjeuner 39 € (entrée + plat ou plat + dessert), 48 € (entrée, plat, dessert).